Actualités

Article paru dans « Les Echos » – «Sobériser» : innover pour un monde sobre et durable

Sobériser, c’est transformer nos économies et nos sociétés vers des fonctionnements plus sobres, et par là plus durables. Pour s’ancrer dans nos modèles dominants, cette transformation doit s’allier à l’innovation, plutôt que s’y opposer.

La sobriété souffre d’un déficit d’image dans nos sociétés occidentales, et peut-être davantage encore en France, où elle se heurte de front à une tradition qui fait la part belle au plaisir et à l’abondance. La sobriété évoque la modération, la réduction, voire le renoncement, à l’antipode des codes consuméristes du « toujours plus ». Or, dans d’autres sphères culturelles, du lagom en Suède au jugaad en Inde, la sobriété entre dans des champs sémantiques plus positifs : une vertu de tempérance, une philosophie de vie, ou une nécessité faisant loi. Si le néo-libéralisme, qui s’appuie sur la croissance pour assurer sa pérennité, peut voir dans la sobriété un facteur antagoniste à ses buts, il y reconnait aussi une forme aboutie d’efficience. La sobriété pour maximiser la valeur produite par une quantité donnée de ressources : cette perspective ne s’oppose pas à la compétitivité ; elle rime avec innovation, bien-être et durabilité.

Contrairement aux idées reçues, la posture de sobriété intéresse donc l’entreprise, car elle s’applique parfaitement aux processus de production, diminuant les coûts, créant alors la performance et la valeur économique. Lorsque Danone ou Ikea s’engagent dans l’économie circulaire, lorsque La Poste décide de compenser 100% de ses émissions carbone, lorsque la Société Générale s’appuie à Bangalore sur un écosystème d’innovation frugale, lorsque la Caisse des dépôts et consignations rapproche ses fonctions stratégie et développement durable, il ne s’agit pas uniquement d’une traduction désintéressée de leur contribution à un monde sobre et durable mais aussi de choix  rationnels.

La sobriété est aussi une formidable source d’innovation et d’inspiration, répondant à des enjeux à la fois immédiats et de plus long terme, ouvrant ainsi un vaste champ de créativité aux concepteurs de tous les domaines allant de la médecine à la construction, en passant par la grande consommation ou le transport. La démarche de l’innovation frugale est exemplaire de cette notion de sobriété. L’innovation frugale vise à répondre strictement à un besoin bien circonscrit plutôt qu’à créer de nouveaux besoins. Elle cherche à réutiliser, ou  à détourner de leur usage premier, des innovations déjà existantes. Et elle vise à des solutions faciles à déployer, peu coûteuses en maintenance, durables et économes en ressources. Au départ développée dans des environnements contraints, elle se diffuse aujourd’hui dans les pratiques R&D de grands groupes.

Quant au numérique, si son bilan environnemental est discutable, il se montre porteur de sobriété et d’équilibre sociétal lorsqu’il permet par exemple la bancarisation de populations défavorisées de l’Inde, ou en Estonie la digitalisation intégrale des prestations de l’État. Soutenue par la robotisation et le big data, l’industrie 4.0 porte la production industrielle à de nouveaux paliers de performance, tandis que la blockchain ou le développement des plateformes collaboratives sous-tendent une économie du partage et de la fonctionnalité, dans lesquelles une certaine forme de sobriété se trouve, à l’état natif.

 

Les trajectoires pour sobériser l’économie conventionnelle existent donc. Elles sont réalistes, et ne renient ni la compétitivité, ni l’innovation. La sobérisation, libérée de connotations idéologiques trop clivantes, doit s’inscrire au coeur de la raison d’être de chacune de nos organisations humaines.

FNEP  – Fondation Nationale Entreprise et Performance

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-182983-soberiser-innover-pour-un-monde-sobre-et-durable-2178718.php

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut